Fin du récit de Yohan Nguyen, le sommelier français devenu gaucho en Patagonie argentine

Publié le par Jean Bernard

Yohan Nguyen rêvait de grands espaces. Il a été comblé...

Yohan Nguyen rêvait de grands espaces. Il a été comblé...

Fin du récit de Yohan Nguyen, le sommelier français devenu gaucho en Patagonie argentine
Fin du récit de Yohan Nguyen, le sommelier français devenu gaucho en Patagonie argentine
Fin du récit de Yohan Nguyen, le sommelier français devenu gaucho en Patagonie argentine

L’expérience d’une vie, voilà comment Yohan Nguyen résume les mois qui viennent de s'écouler. Lorrain, il avait jusque-là écrit son histoire dans l'univers de la restauration. En se formant au métier de sommelier à Dijon au lycée Le Castel puis en étoffant son CV avec un BTS obtenu à Metz au lycée Raymond-Mondon puis en travaillant dans des maisons d'exception aux côtés de chefs de tout premier plan, Olivier Nasti et Jean-Georges Klein. Installé ensuite au Luxembourg, il a remporté le titre de Meilleur sommelier du pays en 2018 non sans avoir été, trois ans plus tôt, finaliste du Trophée Duval-Leroy du Meilleur jeune sommelier de France. Mais il avait envie d'autre chose, d'une parenthèse lointaine. Découvrez la seconde partie de son récit et voyagez avec lui...

Et bien ma première expérience en selle fût agréable. Je me suis senti à l’aise et en confiance. Mais je n'étais qu'au pas et l’environnement a beaucoup joué. A l'heure de casser la croûte, pas besoin de tergiverser au niveau du menu, ce sera viande ! Asado (pièce de viande cuite au four), ragoût ou parilla (barbecue) accompagné de patates, riz, pâtes ou légumes en conserve : voilà ce qui compose le régime du gaucho.

En l'absence de véhicule pour faire les commissions, il n'y a pas de produit frais. Donc on compose avec le stock que Marc-Antoine avait mis en place pour son équipe. Autant dire qu’il était énorme puisque les gauchos séjournent à l'Estancia durant toute la saison d’hiver.

Qu’est ce que j’ai mangé comme quantité de viande ! Je saturais à la fin. C’est la matière première et elle venait en direct de l’élevage, un délice. Aucun produit chimique, de l’herbe saine et de l’eau pure. Forcément ça fait la différence !

Ce qui signifiait que lorsque l’on était à court et bien il fallait se charger de tuer et de dépecer un mouton soi-même, plus précisément un ''Capone'' c'est-à-dire un mouton castré, la viande est moins typé. Et oui, il n’y a pas de boucher dans la région !

Aucun souci pour mettre la main à la pâte mais je ne voulais pas me charger d’ôter la vie de l’animal, ce n’était pas possible...

Amplitude thermique et première chute

J’ai pu participer à la transhumance et à la tonte des moutons. Une réelle expérience !

Une balade de 6 heures accompagné par 1200 moutons et brebis confondus. Levé aux aurores quand l’eau était encore gelée alors que l’après-midi le mercure affichait 25 degrés.

C’était ma deuxième expérience à cheval, autant dire que j’avais des courbatures intenses en fin de journée. J’étais épuisé !

D’ailleurs, cela ma coûté ma première chute en raison d'un geste intempestif de ma part qui a effrayé le cheval. Plus de peur que de mal heureusement.

Il en fallait plus pour remettre en question tous les bons souvenirs que je conserve de mon séjour avec les gauchos. J’ai baigné dans leur quotidien et je me suis imprégné de leur culture et de leur savoir. Ils ont quitté l’estancia après la tonte des moutons.

Du coup, je suis resté seul durant 7 jours, avant l’arrivée d’autres volontaires. La solitude et l’ennui ont commencé à se faire sentir au bout d’un moment malgré que je fus entouré d’animaux. J’étais bien content qu’ils arrivent, ça m’a clairement remonté le moral.

Car il ne faut pas oublier que j'étais au milieu de nulle part, sans réseau, sans moyen de locomotion et, qu’en cas de soucis, la présence humaine la plus proche était à 50 km.

L’arrivée de Marc-Antoine et Isabelle

Je n’oublierais pas ma première rencontre avec Marc-Antoine et Isabelle. Basée sur la confiance et le respect, elle a fait que nous sommes toujours très proches actuellement.

Et dès leur arrivée ont débuté les hostilités au niveau du travail. On peut dire que ça bosse ! On remet tout en place dans l’hôtel, on prépare le campement avec les tentes et on donne un bon coup de nettoyage pour accueillir les clients car L'Estancia Santa Thelma est un lieu d'accueil touristique.

Par la suite, chacun des volontaires sera affecté à une tâche au quotidien : préparation du petit-déjeuner, nettoyage des chambres, entretien du linge, préparation du bois, aide en cuisine pour le déjeuner…

Suivront de nouveaux projets comme la construction d’une maison et l’aménagement d’une chambre. Je me suis occupé de la partie électricité puisque j’avais quelques connaissances dans ce domaine. En revanche il m'a fallu apprendre à faire du mortier, étaler de l’enduit et monter un mur en brique, par exemple.

Je n’étais pas habitué à bricoler et bien j’aurais acquis un peu d’expérience là-dedans.

Des souvenirs plein la tête

Quelques événements exceptionnels pour le sommelier de formation que je suis sont venus ponctuer mon séjour. Je retiens la naissance des agneaux. Une phase assez compliquée d’ailleurs car très peu ont survécu cette année. J’ai dû donner le biberon à plusieurs agneaux délaissés par leur mère.

Nous avons eu une chienne qui nous a donné 6 magnifiques chiots, j’ai eu la chance de les voir grandir chaque jour, un vrai plaisir !

Et puis il y a eu le marquage des poulains. Pour commencer, il fallait aller chercher les chevaux sauvages dans la pampa. Ils n’ont pas vu l’homme depuis plus d’un an, nous repèrent à 300 m et commencent déjà à galoper. Cela a pris 3 heures pour les rapatrier jusqu'à l’Estancia et les enfermer dans le corral.

Mais le plus dur est à venir… Il faut capturer les poulains au lasso, les contenir, leur enlacer les membres, les coucher par terre et les maintenir pour les marquer.

On était quatre pour cette tâche et croyez-moi, aucun n'était de trop. On n’a pas idée de la puissance que peut dégager un cheval !

Avec une boussole pour carte

J’ai continué régulièrement à monter à cheval. La maîtrise et les gestes m’ont été inculqués par Isabelle et Marc-Antoine, les gauchos n’étaient pas très pédagogues pour ça et à force de pratiquer j’ai pu commencer mes chevauchées en solitaire.

Parmi mes souvenirs les plus ancrés, j’ai en tête ce galop sur au moins 2 km avec un troupeau de Guanacos (cousin du lama non domestiqués). Il y a également cette image où j’étais sur mon cheval, dominant de la plaine. Là, j’ai passé une heure à contempler le paysage avec minutie, à profiter du silence et de la nature.

Le ressentie est tellement fort ! Il est indescriptible. Avec cette impression d’être seul au monde, vous ressentez l’énergie autour de vous, vous faites le point, vous vous recentrez sur vous-même et vous appréhendez les choses de la vie d’une manière différente.

Je me dois aussi de vous parler de cette mission que l’on m’avait confiée. Je devais ramener un nouveau cheval que l’on avait acheté à Gobernador Gregores, le village si lointain. J’ai traversé la pampa avec comme seul objet de navigation une boussole. J’ai mis cinq bonnes heures. Heureusement le cheval était docile et j'ai rejoint L'Estancia malgré la difficulté de l’orientation avec des paysages désertiques et similaires.

C’était tout simplement magique !

Le besoin de nouvelles aventures et les récits d’autres volontaires m'ont poussé à poursuivre ma route loin de L’Estancia. Il y a beaucoup choses que l’on n’apprend pas, on les vit ! Et c’est la vie qui nous amène à être quelqu’un de construit, de cohérent et d’accompli.

Il faut savoir prendre des risques et faire confiance à son instinct.

Cette expérience en fait partie et restera gravée à jamais dans ma mémoire...

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article