Comment un sommelier français est devenu gaucho en Argentine (1)

Publié le par Jean Bernard

De Yohan Nguyen, le sommelier des tables étoilées, à Yohan Nguyen, le gaucho de la pampa.

De Yohan Nguyen, le sommelier des tables étoilées, à Yohan Nguyen, le gaucho de la pampa.

Comment un sommelier français est devenu gaucho en Argentine (1)
Comment un sommelier français est devenu gaucho en Argentine (1)
Comment un sommelier français est devenu gaucho en Argentine (1)
Comment un sommelier français est devenu gaucho en Argentine (1)

L’expérience d’une vie, voilà comment Yohan Nguyen résume les mois qui viennent de s'écouler. Lorrain, il avait jusque-là écrit son histoire dans l'univers de la restauration. En se formant au métier de sommelier à Dijon au lycée Le Castel puis en étoffant son CV avec un BTS obtenu à Metz au lycée Raymond-Mondon puis en travaillant dans des maisons d'exception aux côtés de chefs de tout premier plan, Olivier Nasti et Jean-Georges Klein. Installé ensuite au Luxembourg, il a remporté le titre de Meilleur sommelier du pays en 2018 non sans avoir été trois ans plus tôt finaliste du Trophée Duval-Leroy du Meilleur jeune sommelier de France. Mais il avait envie d'autre chose, d'une parenthèse lointaine. Découvrez son récit et voyagez avec lui...

«Vis ta vie et donne-toi les moyens de réaliser tes rêves »

C’est ce que j’ai pu accomplir en partant vivre sept mois en Argentine.

Tout commence par ce reportage que j’ai regardé sur TF1. Malgré le fait que la télévision ne soit pas un de mes passe-temps favori, le destin a voulu que je découvre le récit de Marc-Antoine Calonne, avocat fiscaliste à Paris. Il a décidé de changer de vie pour se consacrer à ce qui le passionne depuis toujours : Les films de cow-boy et les grands espaces.

Après un séjour de 6 ans à chevaucher la pampa de Patagonie, il revient pour créer en 2004, l’Estancia Santa Thelma, 20.000 ha de terrain pour 80.000 €. Une bouchée de pain !

Les premières images m’ont totalement conquis : galop des chevaux sur des plaines étendues à perte de vue, paysages naturels, lumières du crépuscule.

À partir de ce moment-là, je me suis dit : « Ouah ! Mais c’est quelque chose pour moi ça... »

Toutefois ma situation d'alors ne me permettait pas d’entamer ce périple. Un travail, des objectifs de carrière et une compagne composaient mon quotidien à cette époque. Mais ça, c'était avant !

Un peu perdu au bout du monde...

J’ai contacté Marc-Antoine via internet et le site de l'Estancia. Un échange téléphonique était convenu et j’ai pu expliquer ma démarche et ma recherche et lui m’a fait part de ce qui allait m’attendre sur place en termes d’environnement et de travail en tant que volontaire.

Il allait se dérouler encore une année entière avant que j’aille fouler le sol Argentin, le 21 septembre 2019, ce qui m’a permit de mettre l’argent de côté nécessaire.

Une halte dans la capitale, Buenos Aires, le temps de découvrir son architecture, son dynamisme, son contraste urbain et bien sûr son football...

Puis direction la Patagonie, au sud, et après 3 heures de vol me voici à El Calafate et son colosse de glace, l'impressionnant et toujours en mouvement glacier Périto Moreno. Tout proche aussi El Chalten et ses trekkings.

Enfin, après 6 heures de bus, l’arrivée tant attendue à l’Estancia. La phrase du chauffeur de bus « Vous êtes sûr de descendre ici ? » me fait bien prendre conscience de l'endroit où je pose mon sac. Je suis à 50km du village le plus proche, Gobernador Gregores.

Un mois va s'écouler avant l’arrivée de Marc-Antoine et de son épouse. Un mois durant lequel j’ai côtoyé les authentiques gauchos et leur travail du quotidien. Ils étaient trois à séjourner là durant la saison.

Le gaucho, de l'image à la réalité

Le gaucho est ancré dans la culture Argentine. En témoigne la littérature à travers José Hernandez et son poème narrant la vie des gauchos en Argentine ''Martin Fierro''.

L'origine de ce nom viendrait du Quechua qui voudrait dire solitaire et orphelin. A l’issue des guerres d’indépendance, le gaucho, idéalisé par l’image d’un guerrier sans faille, incarne des valeurs de liberté, de courage et d’honneur. La réalité pourrait ajouter brut, rude et voleur de bétail à cette description.

En 1856, le gouvernement a décidé de vendre une partie des territoires des gauchos, un acte qui mettra fin à leur vie de nomade sur la pampa. Contraint de s’installer quelque part, le gaucho sera à l’origine des premières estancias, certaines comptant alors plusieurs centaines de milliers de têtes de bétail.

Aujourd’hui, le gaucho argentin existe toujours et s’adapte peu à peu à la modernité. Pour se déplacer, le gaucho oublie parfois sa monture pour la remplacer par un 4×4, plus rapide et efficace.

Ce n’est pas pour autant que la culture du gaucho a disparu, bien au contraire ! Les traditions et les coutumes sont toujours bien présentes en Argentine.

Particulièrement fiers de la beauté de leur territoire, ils tiennent leurs origines en haute estime. Et même si la plupart d’entre eux vivent et travaillent en ville, on voit toujours, au beau milieu de la pampa, des gauchos faisant paître leurs bovins, fièrement campés sur leurs chevaux.

Le temps d’adaptation…

Le premier contact fût plutôt froid, résultat du caractère solitaire et brut de ces hommes. De plus, leur élocution n’aidait pas à la communication mais j’étais décidé à m’intégrer et à gagner leur respect.

J'ai découvert le petit cabanon primitif mis en place pour les volontaires. Le chauffage est assuré par un poêle à bois ce qui veut dire qu’il faudra aller couper du bois régulièrement. On marche à même le béton, l’eau doit être cherchée à la source et un ancien bidon d’huile avec un pommeau fait office de réservoir pour la douche. On avait quand même le wifi ! Mais il ne marchait pas très bien.

C’est parti ! Réveil 8 heures et on commence par boire le maté, boisson traditionnelle en Argentine et on le déguste tout au long de la journée.

Le climat est rude et la nature aride. La Patagonie est une contrée désolée, quasiment inhabitée, sans cesse balayée par le vent avec des rafales qui atteignent parfois 150 km/h et vous congèlent sur place malgré l’ensoleillement.

Lorsque je regarde la tenue des gauchos et que je mets le nez dehors, je comprends tout de suite…

Chemise, calzon (large et épais), bottes, foulard, façon (Cousteau) accroché à la faja (ceinture) et bien sur la boïna (le fameux béret Argentin) composaient la tenue type du gaucho sans oublier les indispensables pulls en laine.

Un cheval de caractère

Passage obligé par la monte d’un cheval, première rencontre et première caresse, forcément on appréhende. De plus, le cheval est un animal qui ressent les émotions et autant dire que les chevaux de Patagonie sont bien différents de ceux présents dans une écurie en France par exemple.

Pour commencer, les chevaux sont en semi-liberté donc ils gardent un caractère sauvage. Donc, ne croyez pas que l’on peut approcher un cheval ici comme dans un box en France et qu’il se laissera attraper tout seul.

Les chiens sont déjà à l’affût, alors on selle et on part vérifier le troupeau, c’est une tâche quotidienne. Il faut savoir que ce sont les chiens qui font le plus gros du travail pour rassembler les bêtes.

Le gaucho possède à la fois des chiens destinés à la conduite du troupeau mais également des chiens entraînés pour la chasse au puma. Malheureusement, je n’ai pas pu participer à cette dernière. Après, au vu de mon expérience en tant que cavalier, il ne valait mieux pas tenter l’expérience. Cela reste dangereux et c’est déjà arrivé que des chiens ne reviennent pas. Le puma, on le chasse à proximité des terres pour éviter qu'il attaque le bétail durant la nuit. Un puma peut tuer 10 brebis en une seule nuit ! Pour se nourrir et notamment apprendre comment chasser à ses petits.

A suivre.

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