Meilleur sommelier du monde : l'épreuve fatale à Pascaline Lepeltier
Olivier Poussier, Philippe Faure-Brac et William Wouters ont tenté d'atténuer la déception de la candidate française. (Photo JB)
Pascaline Lepeltier avait consacré beaucoup de temps à la connaissance théorique et pratique des cocktails. Mais dans le cas de cet atelier, il fallait surtout bien interpréter la consigne. (Photo JB)
Au cours des interviews qui ont suivi la fin du concours, la candidate française a toujours reconnu, sans plus de détail, qu'elle savait à quel moment elle avait commis une erreur. Celle qui l'avait privée des points sans doute nécessaires pour se hisser en finale. Retour sur ces deux minutes où tout a basculé et dont je fus le témoin il y a six mois jour pour jour.
Ce vendredi 10 février 2023, dans la salle numéro 7 au quatrième étage de l'hôtel Pullman Montparnasse, quatre candidats ont déjà fait face à ceux qui les jugent le temps de trois ateliers regroupés dans un même espace. Arvid Rosengren (Meilleur sommelier du monde 2016) et Paz Levinson (Meilleur sommelier des Amériques 2015) ont vu passer, tour à tour, Suvad Zlatic (Autriche), Réza Nahaboo (Suisse), Tom Ieven (Belgique) et Jo Wessels (Afrique du sud).
Contrairement à l'atelier pratique du quart de finale, les candidats sont appelés dans l'ordre décroissant du numéro qui leur a été attribué par tirage au sort. Et donc, avec le 55, si elle a longtemps attendu deux jours plus tôt, Pascaline Lepeltier est cette fois la cinquième à découvrir les épreuves.
Quelques journalistes, un cameraman, une photographe et deux commis sommeliers aux ordres du jury écoutent avec la même attention que la candidate tricolore l'énoncé de l'exercice. Après le bonjour de circonstance, Arvid Rosengren explique que sa voisine et lui-même ont commandé deux cocktails classiques, un Aviateur et un Sazerac. « Merci de contrôler la mise en place afin de dire si vous pouvez les réaliser, vous avez deux minutes... »
Un silence qui coûte cher !
La nappe blanche qui couvre la table regroupant matériel, boissons, fruits et ingrédients mis à disposition est alors retirée et comme les précédents participants, Pascaline Lepeltier entreprend un rapide tour d'horizon. Puis, tantôt à gauche, tantôt à droite de la planche à découper, elle regroupe ce qui est nécessaire au Sazerac ou bien à l'Aviateur.
Les gestes sont précis, la New Yorkaise d'adoption a mémorisé la composition d'une centaine de cocktails tout au long de sa préparation. Elle sait donc parfaitement ce qui est nécessaire et, surtout, ce qui manque. Ce tri effectué et alors que s'égrène les secondes dans un coin de sa tête, elle ouvre la bouteille d'eau plate à sa disposition et se désaltère tout en contrôlant une dernière fois qu'elle a fait les bons choix.
Elle se tourne alors vers ses deux ''clients'' consciente que le temps imparti pour ce contrôle de la mise en place est écoulé ou presque. « Je voudrais m'excuser... » commence-t-elle. Elle n'ira pas plus loin. La sonnerie du chronomètre retentit et Arvid Rosengren invite la Française à se déplacer dans la pièce pour débuter l'atelier suivant.
Alors que ceux qui l'ont précédée ont tous trouvé matière à explication en même temps qu'ils analysaient les produits à disposition, Pascaline est demeurée muette. De toute évidence elle a dissocié le contrôle du commentaire comme il est fréquent de vivre cela dans les concours hexagonaux.
Si elle est déstabilisée, la Française n'en laisse rien paraître.
Le concours Europe pour rebondir
On lui présente alors cinq boissons à identifier en deux minutes. Il semble évident que toutes sont sans alcool. Puis, en trois minutes et en s'inspirant de quatre de ces boissons, elle doit proposer un menu végan complet.
Dans les deux cas, Pascaline Lepeltier donne l'impression de maîtriser son sujet et de répondre aux attentes du jury dont les notes et appréciations ont peut-être été communiquées aux candidats.
Le temps imparti écoulé, la Tricolore a du mal à masquer un rictus. Elle sait qu'elle est passée à côté de la première épreuve proposée dans cette salle.
Et le dimanche suivant, au cours du dîner de gala venant mettre un point final à cette semaine de compétition et au sacre de Raimonds Tomsons, celle qui a donc terminé au pied du podium savait très bien où elle avait laissé filer des points. Ceux si précieux qui l'ont privée d'une médaille. « Cette finale avec son scénario semblaient faite pour moi... » avouait-elle simplement.
Théâtre du prochain concours Europe, la Serbie, lui offrira peut-être l'occasion d'afficher en public son talent et sa maîtrise technique. Il reste à savoir si elle franchira à nouveau la sélection française puisqu'il semble acquis que Pascaline Lepeltier ne veut pas rester sur l'échec parisien. Et ce, alors même que la trace qu'elle laissera dans l'histoire du vin est bien plus marquante qu'un succès en concours depuis la parution de son livre ''Mille vignes – Penser le vin de demain''.
Une autre forme de succès ! Sans doute plus en accord avec sa philosophie...