Meilleur sommelier du monde : l'histoire des vainqueurs pour la France - épisode 5 - Philippe Faure-Brac

Publié le par Jean Bernard

Dans la cave du Bistrot du sommelier, Philippe Faure-Brac et le trophée où figurent les noms des vainqueurs jusqu'en 2016. (JB)

Dans la cave du Bistrot du sommelier, Philippe Faure-Brac et le trophée où figurent les noms des vainqueurs jusqu'en 2016. (JB)

Sous le soleil de Rio, l'ensemble de participants. Pour la dernière fois, chaque pays pouvait être représenté par deux sommeliers. Entourant Jean Frambourt (président de l'UDSF), les deux candidats tricolores Philippe Faure-Brac et Maryse Allarousse. (Photo DR)
Sous le soleil de Rio, l'ensemble de participants. Pour la dernière fois, chaque pays pouvait être représenté par deux sommeliers. Entourant Jean Frambourt (président de l'UDSF), les deux candidats tricolores Philippe Faure-Brac et Maryse Allarousse. (Photo DR)

Sous le soleil de Rio, l'ensemble de participants. Pour la dernière fois, chaque pays pouvait être représenté par deux sommeliers. Entourant Jean Frambourt (président de l'UDSF), les deux candidats tricolores Philippe Faure-Brac et Maryse Allarousse. (Photo DR)

Quelques souvenirs de ce rendez-vous brésilien. (Photos DR)
Quelques souvenirs de ce rendez-vous brésilien. (Photos DR)
Quelques souvenirs de ce rendez-vous brésilien. (Photos DR)
Quelques souvenirs de ce rendez-vous brésilien. (Photos DR)

Quelques souvenirs de ce rendez-vous brésilien. (Photos DR)

1992 : Philippe Faure-Brac sacré sur un air de samba à Rio

 

Aujourd'hui encore, le sommelier français parle de sa victoire à Rio de Janeiro comme d'un succès collectif qui doit aux encouragements de ses proches autant qu'au soutien sans faille d'une véritable équipe. Le résultat aussi d'une progression marquée sans cesse par de nouveaux objectifs.

A Paris, boulevard Haussmann, entre l'Opéra et l'Arc de triomphe, le méridional Philippe Faure-Brac anime depuis près de quarante ans son célèbre Bistrot du sommelier. Ici, l'enseigne porte sa signature et rappelle, à ceux qui pourraient encore l'ignorer, que ce restaurant est celui du Meilleur sommelier du monde 1992.

Chef d'entreprise attaché au moindre détail, Philippe Faure-Brac doit à Gérard Basset, son dauphin à Rio de Janeiro, le souvenir d'une réponse en ce sens faite à des journalistes l'interviewant juste après sa victoire. « En rentrant à Paris, qu'allez-vous faire ? » Et lui de répondre : « Je vais acheter des chaises pour mon restaurant ! » Une évidence car ce Bistrot c'est sa vie et sa réussite est intimement liée aux titres qui ont jalonné l'histoire de Philippe.

Remontons le temps... Après Sisteron et Grenoble, il rejoint à Nice sa troisième école hôtelière afin d'obtenir un diplôme d'enseignement supérieur. « Dans ma promotion j'étais en bonne compagnie. Il y avait Anne-Marie Quaranta qui venait de remporter le Trophée Ruinart du meilleur jeune sommelier de France et Hervé Bizeul qui lui a succédé au palmarès quelques semaines après la rentrée. Leur réussite a accentué mon intérêt pour le monde du vin et Michel Ballanche, notre professeur d'oenologie, l'a bien compris. Il m'a inscrit pour le concours 1982 et a trouvé les mots pour me motiver. »

Des podiums en attendant mieux

Sélectionné au niveau régional, le Provençal qui a rejoint la brasserie parisienne La Lorraine se hisse en finale et prend la troisième place derrière Christian Pechoutre (Les prés d'Eugénie Michel Guérard) et Michel Santé (La Pyramide Fernand-Point). « Pas possible ce jour-là de faire mieux, je souffrais d'une rage de dent... »

Et comme le mal de dent n'exempte pas du service militaire, Philippe Faure-Brac est appelé sous les drapeaux quelques mois plus tard. Il trouve alors le temps de préparer le concours du Meilleur sommelier – maître d'hôtel de France 1983. Sous les yeux de Jean-Luc Pouteau, fraîchement sacré au niveau mondial, il prend la deuxième place de cette catégorie alors que Serge Dubs s'impose chez les purs sommeliers.

Plus motivé que jamais, il mène de front l'ouverture de son Bistrot (le 8 mai 1984) et la préparation de la sélection du Trophée Ruinart quinze jours plus tard. Et en octobre, le voici sacré Meilleur jeune sommelier de France. Un titre qu'il fête avec son équipe et notamment son jeune chef de cuisine, Laurent Petit, qui a, bien plus tard, obtenu trois étoiles Michelin dans son restaurant Le clos des sens.

Pas tout à fait rassasié

Comme une évidence, Philippe vise l'étage au-dessus. « Je me suis remis assez vite dans la préparation mais la sélection pour le Meilleur sommelier de France 1986 m'a été fatale. J'ai été victime de l'empilage de bouteilles à la bretonne. Au moins j'ai appris comment le réaliser. Deux ans plus tard, les épreuves avaient changé et je suis allé jusqu'au bout en obtenant le titre. Le premier sentiment fut que ces deux succès pouvaient suffire, d'autant plus que j'étais le seul à avoir réalisé un tel doublé jusque-là. Mais... »

Et ce ''mais'' a pour origine le concours Mondial 1989 organisé en France. Philippe veut si possible découvrir l'événement de l'intérieur. « J'ai d'abord rejoint les délégations en visite dans les arènes de Nîmes puis j'ai suivi la finale victorieuse de Serge Dubs. C'est là que j'ai intégré l'idée que je devais continuer et rapidement j'ai commencé à préparer la suite. » C'est là aussi que débute la notion d'équipe. Constituée d'amis, Gérard Margeon, Jean-Luc Jamrozik, Eric Buiron, Eric Sertour ou encore Jacques Méhault, elle se met en place en même temps qu'une organisation dont le premier objectif est de permettre à son champion d'obtenir le droit et l'honneur de représenter la France. Ce sera chose faite et Philippe prendra la direction du Brésil en compagnie d'une bonne délégation tricolore.

« En fait, pendant deux ans, j'ai passé énormément de temps avec mes complices. Nous voulions au minimum une place en finale et à chacune de nos réunions de travail, ils arrivaient avec des bouteilles à déguster à l'aveugle et des questions pour tester mes connaissances. Et lorsque j'étais seul, dans le métro par exemple, j'avais toujours sur moi une cahier de révision rempli de dates, de surfaces et de cépages afin de ne jamais perdre de temps... »

Dernier appelé et premier de cordée

Dans l'avion qui franchit l'Atlantique, Christophe Tassan (MOF sommelier installé aux USA) et Olivier Bompas (sommelier aujourd'hui journaliste spécialisé au magazine Le Point) prennent le relais et harcèlent leur ami de questions (1) et il en sera dans le bus lors des sorties autour de Rio jusqu'à l'entrée dans la salle où sont réunis les 35 candidats pour la phase écrite. Toujours dans le cadre de la sélection, un atelier de service et de comportement est au programme. « Je l'ai subi et assez mal vécu. Le temps était limité et je n'ai pu tout accomplir. J'étais frustré et en sortant j'ai vraiment douté... »

Plutôt que de ruminer cette incertitude, le candidat français choisira de se libérer de cette pression. « La veille de la finale, une soirée nous réunissait dans un cabaret. Je me suis totalement détendu alors que jusque-là j'avais été très rigoureux. »

Le lendemain après-midi, le 5 septembre 1992, tous les candidats attendent l'annonce des cinq finalistes. Les souvenirs du futur vainqueur sont alors très précis. « Un à un les numéros des qualifiés ont été annoncés. Ils étaient déjà quatre sur scène et à ce moment-là de nombreux vainqueurs potentiels n'avaient pas encore été appelés. Puis enfin le 19, mon numéro, a été annoncé. J'ai bondi et rejoint les autres sur scène. Dernier appelé j'ai ensuite tiré le numéro 1 et ouvert la finale. Ce qui m'a permis de suivre ensuite la prestation des quatre autres prétendants. »

Avant cela, Philippe se retrouve seul dans une salle aveugle. « J'avais 20 minutes pour consulter la carte des vins destinée à l'épreuve d'accord. Mais au bout de dix minutes, je l'ai refermée et je me suis livré à une petite introspection. Pour qui et pour quoi j'étais là, j'ai pensé à Célia, ma fille, à mon grand-père disparu peu de temps avant... Là, au propre comme au figuré j'étais le dos au mur. Paradoxalement, une fois sur scène, je me suis senti sur un nuage et j'ai vécu cette finale en me faisant plaisir. »

Une chef d'entreprise comblé

Philippe n'a pas oublié qu'il fut le seul à reconnaître une cachaça et même à donner le nom du propriétaire. « A l'image des autres finalistes, j'ai également affirmé que le second rouge à commenter était un Rioja. Sauf qu'il s'agissait d'un pinot noir de Californie qui avait perdu toutes ses caractéristiques. Pour le menu avec le Saint-Pierre au laurier, j'ai conseillé un Châteauneuf-du-Pape blanc qui ne figurait pas sur la carte. On me l'a rappelé et j'ai répondu que nous venions juste de le recevoir et qu'il était totalement à la hauteur de l'événement qui nous réunissait. »

Spectateur des autres finalistes, Philippe a dû ensuite attendre et attendre encore. Ce n'est qu'au moment du dessert, lors du dîner de gala qui a suivi, que le verdict est tombé. Vainqueur, il était accompagné sur le podium par Gérard Basset (Royaume-Uni) et Didier Fiat (Irlande). « Un podium 100% français en fait ! »

La nuit qui suivit fut courte et le voyage du retour permit à la délégation tricolore de récupérer un peu. Les médias, eux, attendaient le champion. En particulier la radio Europe 1 dont Philippe Faure-Brac fut l'invité de l'émission matinale.

Ses connaissances et son assurance au micro ont alors tapé dans l'oreille du directeur de l'antenne au point de faire du nouveau Meilleur sommelier du monde l'un de ses chroniqueurs pendant trois ans. « Tout cela a contribué à mon image et surtout m'a permis de développer l'activité du restaurant et de créer des emplois. Et de cela, je suis toujours très fier... »

(1) "On faisait réviser Philippe dans le bus en lui posant toutes les questions possibles issues du livre de Paul Brunet sur les vins du monde... Je me souviens aussi que Philippe était terrifié par la climatisation dans les bus et avait peur d'attraper froid !", témoigne aujourd'hui Christophe Tassan depuis la Californie.

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