Meilleur sommelier du monde : l'histoire des vainqueurs pour la France - épisode 3 - Jean-Claude Jambon

Publié le par Jean Bernard

Jean-Claude Jambon et le fameux trophée où figure son nom. (Photo JB)

Jean-Claude Jambon et le fameux trophée où figure son nom. (Photo JB)

Au lendemain de sa victoire, Jean-Claude Jambon, trophée en mains, entouré par Jean-Michel Deluc (alors secrétaire général de l'UDSF) et Jean Frambourt (alors président de l'UDSF). (Photo DR)

Au lendemain de sa victoire, Jean-Claude Jambon, trophée en mains, entouré par Jean-Michel Deluc (alors secrétaire général de l'UDSF) et Jean Frambourt (alors président de l'UDSF). (Photo DR)

1986 : Jean-Claude Jambon sacré dans la cité des Doges...

 

Après une deuxième place en 1978, l'enfant du Beaujolais qui a couru les mers du monde avant de s'installer à Paris signait son succès sous les yeux du comte Gregorio Rossi di Montelera.

« En arrivant à Venise pour le concours mondial 1986 j'avais un esprit de revanche car huit ans plus tôt, au Portugal, j'avais pris la deuxième place derrière Giuseppe Vaccarini... » Jean-Claude Jambon, 80 ans, résume ainsi la motivation qui l'animait au moment de disputer la cinquième édition de cette épreuve face aux représentants d'une quinzaine de pays.

Un sommelier passionné mais pas obligatoirement un compétiteur acharné. « Mon premier concours, c'était le Meilleur sommelier de France en 1962 et j'étais encore élève à l'école hôtelière de Grenoble. Notre professeur de technologie m'a désigné pour le disputer en tant que sommelier professionnel et j'ai atteint la finale nationale et pris la quatrième place. Pas mal non ! »

Quelques mois plus tard, ce fils de cheminot quitte l'univers des gares pour découvrir celui des ports. Le service militaire l'appelle et c'est au bar des officiers du porte-avions Clémenceau qu'il va l'effectuer alors que son camarade Georges Blanc, aujourd'hui chef trois étoiles à Vonnas, se charge de la cuisine pour l'amiral. « J'ai pris goût à la mer puisqu'à mon retour j'ai intégré la Compagnie des messageries maritimes. Chef de rang d'abord puis intendant, j'ai navigué jusqu'au Japon, le long de l'Afrique de l'Est avant de découvrir Buenos-Aires et d'effectuer un dernier trajet qui m'a conduit à Auckland. C'est là que j'ai découvert la qualité des sauvignons de Nouvelle-Zélande. »

Retour sur terre et premier succès

Le vin n'était pas pour autant au centre de ses activités. « En 1967, je reviens sur terre et occupe un poste de maître d'hôtel à Lyon avant de prendre la direction du restaurant du Sofitel. Et environ trois ans plus tard, c'est en découvrant une carte des vignobles de France que le déclic s'est produit. En même temps, Gérard Renoux, nouveau Meilleur sommelier de France, ouvrait sa boutique tout près de chez moi. Sans être spécialisé, j'ai commencé à me préparer pour le concours 1972 où j'ai terminé quatrième. Deux ans plus tard je devenais à mon tour Meilleur sommelier de France ! »

Jean-Claude Jambon qui compte une vingtaine de déménagements à son palmarès, choisit en 1977 de quitter Lyon et rejoint Paris et l'ambiance familiale du restaurant Faugeron (2 *).

C'est là qu'il décide de participer à la sélection des candidats français pour le concours mondial 1978 prévu au Portugal. « Nous étions une douzaine à nous présenter. L'épreuve organisée par l'OIV était constituée d'un écrit très difficile. Avec Philippe Bourguignon nous nous en sommes bien sortis et nous avons assisté un peu plus tard au succès de Giuseppe Vaccarini. Pour ma part, j'ai terminé second. Il me manquait un peu de métier. La sommellerie était mon quotidien seulement depuis un an... »

La vie familiale avec les enfants qui arrivent et que l'on veut voir grandir poussent cependant Jean-Claude Jambon à refermer pour un temps la parenthèse. « Aline, mon épouse, a toujours eu beaucoup de patience et m'a bien soutenu, mais il ne fallait pas abuser. » C'est donc de loin qu'il a assisté au sacre bruxellois de Jean-Luc Pouteau, autre sommelier de province installé à Paris, lors du concours organisé en 1983.

Le sens de la répartie

Mais trois ans plus tard, c'est d'abord l'idée d'aller défier les professionnels italiens sur leurs terres qui a suscité son inscription à la sélection. « Ce jour-là à Paris, nous n'étions que trois : Alain Rosier, Serge Dubs qui, si je me souviens bien, arrivait tout juste de New-York et moi-même. La fatigue et le décalage horaire ont eu raison de notre ami alsacien. »

Notamment conduite par Jean Frambourt et Jean-Michel Deluc, la délégation française prend la direction de Venise. « Pour me préparer et mieux connaître les vins étrangers, je courais les ambassades des USA, d'Australie ou encore d'Afrique du Sud pour profiter des dégustations organisées par les attachés commerciaux. Mais heureusement qu'à l'époque les connaissances demandées n'allaient pas aussi loin qu'aujourd'hui. Il n'empêche que la phase écrite était une fois encore très complexe. Il faut dire qu'elle ouvrait directement les portes de la finale. Avec Alain Rosier nous nous sommes qualifiés en compagnie d'un candidat italien et d'un autre irlandais. »

En finale, où deux vins blancs et deux vins rouges étaient proposés à la dégustation, le futur vainqueur voulait mettre tous les atouts de son côté. Et pour cela, l'anecdote reste célèbre, il a même commenté le verre d'eau mis à sa disposition pour se rincer la bouche.

Avec un juste sens de la répartie, Jean-Claude Jambon a su se sortir de l'embarras lors de l'épreuve de commercialisation. « Quelques minutes avant, on nous fournissait une carte des vins. Mais il était difficile de tout mémoriser. Résultat, sur le foie gras proposé en entrée j'ai choisi un vin de la coulée de Serrant d'un millésime très solaire et exceptionnellement moelleux. Mais on m'a fait aussitôt remarquer qu'il ne figurait pas à cette carte. J'ai alors rebondi et expliqué au ''client'', le comte Gregorio Rossi di Montelera, le propriétaire du célèbre vermouth, que j'avais retiré ce vin de la carte car il en restait très peu afin de le conserver pour lui en sachant qu'il s'agissait de l'une de ses bouteilles préférées... »

Explication acceptée par le jury qui annonçait un peu plus tard la victoire française. Celle d'un homme qui a tout particulièrement apprécié la finale disputée à Anvers. Et pour cause... « Dans l'attitude de Marc Almert face à ses clients de la finale, avec son charme discret et ses pointes d'humour, j'ai un peu retrouvé le candidat que j'étais en ce 29 octobre 1986. »

Un champion du monde qui n'a rien changé à son quotidien, retrouvant le restaurant parisien qu'il n'a quitté qu'en 2004 à l'heure de la fermeture par son propriétaire. « Simplement j'ai opté en parallèle pour un statut de profession libérale qui m'a permis d'apporter mes connaissances et ma renommée à trois maisons de vins et de procéder en 1987 à l'expertise des 350.000 bouteilles de vins de Ledoyen pour une vente aux enchères organisée par Drouot. »

(Photo DR)

(Photo DR)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article