Meilleur sommelier du monde : Armand Melkonian à jamais le premier vainqueur pour la France

Publié le par Jean Bernard

Armand Melkonian et la coupe remportée en 1969. Un trophée parmi beaucoup d'autres. (Photos Jean Bernard)
Armand Melkonian et la coupe remportée en 1969. Un trophée parmi beaucoup d'autres. (Photos Jean Bernard)

Armand Melkonian et la coupe remportée en 1969. Un trophée parmi beaucoup d'autres. (Photos Jean Bernard)

Avant toute chose, une précision s'impose. Le premier concours du Meilleur sommelier du monde s'est disputé en 1983 à Bruxelles et la victoire est revenue à Jean-Luc Pouteau.

Mais dès 1969, année de naissance de l'Association de la sommellerie internationale, une première épreuve réunissait des candidats venus de différents pays. Deux autres éditions suivront avant que le nom du vainqueur soit associé au titre de Meilleur sommelier du monde. Avec le temps, les pionniers ont été intégrés dans la famille des MSM et leur nom est gravé à jamais dans le métal argenté du jéroboam Moët & Chandon qui a constitué le symbole de la victoire de 1989 à 2016.

Les noms des six sommeliers représentant l'Union de la sommellerie française victorieux de cette compétition y figurent donc. Ils vous racontent leur histoire...

 

Depuis quelques années, Armand Melkonian assiste à tous les événements de l'Association de la Sommellerie Internationale comme ici, en 2014, à Epernay pour le 45e anniversaire ou bien 10 ans plus tôt en Grèce pour le concours mondial.  (Photos JB)
Depuis quelques années, Armand Melkonian assiste à tous les événements de l'Association de la Sommellerie Internationale comme ici, en 2014, à Epernay pour le 45e anniversaire ou bien 10 ans plus tôt en Grèce pour le concours mondial.  (Photos JB)

Depuis quelques années, Armand Melkonian assiste à tous les événements de l'Association de la Sommellerie Internationale comme ici, en 2014, à Epernay pour le 45e anniversaire ou bien 10 ans plus tôt en Grèce pour le concours mondial. (Photos JB)

1969 : Armand Melkonian, fils de cordonnier, "je n'aimais pas le vin"

 

Il y a cinquante-trois ans, le Français remportait le premier concours international organisé à Bruxelles. Retour sur une histoire parsemée d'anecdotes.

Quel personnage ! A 84 ans, Armand Melkonian est aussi attachant que passionnant. Un fils d'immigrés arméniens qui s'est retrouvé propulsé en haut de l'affiche un jour d'octobre 1969 en remportant le premier Concours international d'échansons. Cette épreuve qui réunissait 21 candidats représentant neuf pays à Bruxelles est considérée comme le premier concours du Meilleur sommelier du monde.

Une belle histoire qui débute en 1952. « Mon papa, cordonnier, est décédé très jeune. J'ai donc dû me mettre rapidement au boulot pour aider maman. A 14 ans, j'ai commencé comme chasseur à l'hôtel L'aiglon, boulevard Raspail, à Paris. Six ans plus tard, même sans expérience, ma mère a pris en gérance un hôtel-restaurant-bar à Beaulieu-sur-Mer et moi je suis parti sous les drapeaux à Paris puis en Algérie. A mon retour, nous avons cédé l'établissement et j'ai trouvé un poste de commis-barman à La chèvre d'or à Eze-village. » Au terme de la saison, il accompagne le maître d'hôtel à Villefranche-sur-Mer pour l'ouverture du Versailles. « Il m'a dit ''là-bas tu seras sommelier''. Mais moi je n'aimais pas le vin ! Heureusement, depuis, mon palais a eu le temps de se faire... »

Vite las de suivre au pied de la lettre les conseils de son supérieur, Armand Melkonian a pris le taureau par les cornes. « Quinze jours plus tard, j'achetais pour 108 Francs de livres sur le vin. Cela faisait un trou dans le budget mais au moins je pouvais commencer à avoir mes propres idées sur la question. »

Une finale 100% française

Il commence à goûter aux concours et devient Meilleur sommelier de France en 1968, deux ans après avoir rejoint La voile d'or, à Saint-Jean-Cap-Ferrat. « On m'a proposé des postes, notamment à Paris, mais j'ai privilégié la vie familiale en restant sur la Côte d'Azur jusqu'à la retraite en 1996. »

C'est là qu'il a accepté de s'inscrire au premier concours international prévu à Bruxelles. « Chaque matin en me réveillant, je voyais sur le mur, face au lit, la carte des vignobles du monde. Et bien entendu, j'ai encore acheté des bouquins et surtout j'ai sollicité différents pays pour l'envoi d'échantillons de vins. J'ai eu aussi la chance d'être invité à Florence puis à Lisbonne pour des dégustations. »

Armand Melkonian espérait secrètement ne pas réaliser tous ces efforts juste pour remporter une coupe. « Le titre français était accompagné d'un chèque d'un million de francs anciens (1500 €). C'était énorme en 1968 ! Je pensais qu'un concours international serait encore mieux doté. Ce qui ne fut pas le cas... » Car même si le chiffre était gros, c'était en Francs belges dont le taux de change n'était pas très intéressant.

Qu'importe, avec trois autres Français, il a rejoint la Belgique. « Celui que je craignais le plus, c'était Paul Brunet. Il avait une sacrée réputation ! » En fait, après une sélection à l'écrit, tous les membres de la délégation française se retrouvaient en finale. « Je vous dis pas la gueule des candidats des autres pays... Je suis passé le dernier et j'étais assez stressé. Mais je ne pouvais pas fumer pour me calmer à cause de l'épreuve d'identification et de dégustation. Là j'ai eu de la chance. Le vin était un sancerre 1967, typé, facile à identifier. Le cocktail était un B&B, bénédictine et brandy, j'ai failli passer à côté. » Sacré quelques minutes plus tard, Armand Melkonian précédait Jean-Marie Stoeckel, Paul Brunet et Gabriel Cotillon.

Humour et passion

S'il n'a pas reçu de médaille de la part du gouvernement français, celle offerte par l'Arménie occupe une place particulière dans son cœur et la vitrine des trophées ouverte aux regards dans l'entrée de son pavillon niçois, loin de la Promenade des anglais. « Ce titre n'a pas changé ma vie. Aujourd'hui c'est bien différent pour celui qui devient Meilleur sommelier du monde. Il faut dire aussi que le concours est devenu sans cesse beaucoup plus compliqué. Tous ceux qui se bagarrent pour le titre doivent apprendre toujours plus et accumuler toujours plus de connaissances. Mais sans la passion, ils ne feraient sans doute pas autant d'efforts... »

Le doyen des Meilleurs sommeliers du monde envie un peu le confort procurée par internet pour suivre l'actualité du vin à travers le monde. « Moi je devais d'abord trouver le livre qui pouvait m'apporter les réponses. Aujourd'hui, on pose la question sur internet et la réponse apparaît ! Cela facilite tout de même les recherches. »

Même un peu chahuté par des soucis de santé, Armand Melkonian était bien présent à Anvers en mars 2019. Un déplacement qu'il ne regrette pas. « De tous les vainqueurs que j'ai pu voir au cours des ces dernières années, Marc Almert est celui qui m'a le plus impressionné. Il a le savoir, la jeunesse et aussi l'humour. Je me suis un peu reconnu en lui car moi aussi j'ai toujours su ajouter un peu d'humour dans la pratique de mon métier... »

En février prochain, il prendra la direction de Paris, débarrassé des problèmes de santé qui le préoccupaient depuis longtemps. Et il espère bien assister à un sacre tricolore...

Dégustation à l'aveugle en finale du MSF 1968. (Photo DR)

Dégustation à l'aveugle en finale du MSF 1968. (Photo DR)

Eliane et Armand ont fêté 61 ans de mariage cette année. (Photo JB)

Eliane et Armand ont fêté 61 ans de mariage cette année. (Photo JB)

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