Sommellerie : carte blanche à Marion Chevrier étudiante et intervieweuse de Julia Scavo

Publié le par Jean Bernard

Les étudiants de l'ICOP Villejuif ont notamment fait halte au pied de la montagne Sainte-Victoire.

Les étudiants de l'ICOP Villejuif ont notamment fait halte au pied de la montagne Sainte-Victoire.

Julia Scavo avoue son attachement au titre de Master of Port remporté en 2017. (Photo JB)

Julia Scavo avoue son attachement au titre de Master of Port remporté en 2017. (Photo JB)

Marion Chevrier, étudiante en reconversion professionnelle BP Sommelier à l'ICOP Villejuif, a profité d'une sortie dans le vignoble provençal pour rencontrer et interviewer Julia Scavo, Meilleur sommelier de Roumanie et médaille de bronze des concours ASI du Meilleur sommelier d'Europe 2013 et 2017. Je lui ouvre les colonnes du blog afin de partager le fruit de son travail.

Vous avez accepté d'être la marraine de promo de l’ICOP pour cette année 2019. Pourquoi avez-vous choisi d’accompagner les formations de l’ICOP ?

Avant de rejoindre la Provence justement il y a 10 ans de cela, j’avais commencé ma reconversion avec un BTS commercial: vins, boissons et spiritueux à l’ICOP de Paris entre 2009 et 2011. C’est un changement heureux dans ma vie - la rencontre avec mon mari - qui a fait que j’ai transféré cette formation à l’école soeur: l’ICOP d’Aubagne. Par la suite, en 2013, avec Bernard Sallustro (NDLR le directeur de l’institut) nous avons convenu que j’allais accompagner un bon nombre de formations et l’école sur le long terme, que ce soit dans le sud ou à l’ICOP de Paris, justement pour donner une continuité à cette belle histoire. Il faut savoir qu’en 2009 je revenais de Roumanie, j’avais déjà entamé ma reconversion par d’autres biais: une mention complémentaire en candidat libre et des cours à l’université du vin. J’étais déjà deuxième dans mon pays en concours de sommellerie et j’avais envie de faire une base plus scolaire, plus académique, avec un cursus encadré dans une école, sur une durée plus longue. C’est ainsi que j’ai connu l’ICOP. C’est une belle continuité, je pense que je suis un bon exemple de reconversion réussie, ce qui doit motiver davantage les élèves.

Racontez-nous votre rencontre avec le vin en quelques mots, comment c’est arrivé, comment vous avez eu envie de travailler dans le vin, d’apprendre le vin ?

Le vin est situé dans un contexte immédiat : celui de la gastronomie et de l’art culinaire. Mais aussi dans un contexte élargi : géographique, géologique, et encore plus historique et artistique. Je viens du monde des sciences exactes. J’ai fait des études d’ingénieur, une licence académique et un CAPES en mathématiques, et plutôt un parcours littéraire très orienté vers l’histoire et la géographie qui me passionnaient. En fin de cursus universitaire classique, j’ai rencontré l’association Slow Food à Lyon, et j’ai pris goût à la gastronomie et au vin puisque je trouvais dans ces éléments réunis un point de convergence à mes passions, à savoir: l’artistique, la partie littéraire aussi, l’écrit, la belle dégustation chantée et lyrique. La dégustation a aussi un fondement scientifique qui se lie aux sciences telles que la physique et la chimie, ou même la mécanique du fluide. La rigueur et l’exactitude sont nécessaires dans l’étude des éléments qui constituent la naissance du vin, son fondement historique, géographique et géologique.

Tout votre parcours de reconversion est vaste et riche et empli de cohérence. Du coup, quand vous faites dialoguer l’histoire et la culture avec le vin, ce sont vos bases de formation que vous faites dialoguer ou il y a une autre raison ?

En partie oui, c’est évidemment les racines de mes formations multiples. Pour moi le vin est culture parce que c’est une somme de tous ces éléments là, le vin est histoire parce qu’autrement, on ne peut pas le comprendre tel qu’on l’a aujourd’hui. Il faut s’y intéresser depuis ses racines jusqu’à aujourd’hui, voir vers l’avenir également, le situer dans un contexte qui est tridimensionnel: passé présent et futur. Ensuite, c’est issu d’une passion commune avec mon mari, rencontré lors de cette période de reconversion, qui est un grand passionné de lettres, de culture, des sciences de la vie qui sont liées au vin. Nous avons développé ensemble l’empreinte de ce que l’on appelle l’Homo Universalis, le savoir, qu’on trouvait déjà chez les grecs, à l’origine du vin.

Pourriez-vous nous faire part d’un prix - parce que vous avez reçu de nombreuses distinctions - qui vous est le plus cher, celui qui vous a le plus émue, celui qui vous tient vraiment à coeur ?

Je dirai sans hésitation le Master Of Port, qui est peut-être le moins en rapport avec la sommellerie, mais qui me correspond puisque le vin de Porto est à la fois histoire, géographie, géologie, différentes sciences naturelles, littérature, art, sciences, et tout simplement parce que cela dépend d’une élaboration qui est très recherchée, très scientifique et très minutieuse. Ce prix de Master Of Port que j’ai obtenu en 2017, s’inscrit complètement dans mes préférences quant à l’univers du vin et je pense qu’il m’est cher parce que je donne à ce prix la dimension du sommelier qui se dépasse, qui transcende les bases d’un sommelier de terrain, parce que dans le Master Of Port on a des questions qui vont aborder des notions classiques, mais ça peut aller profondément dans l’histoire, la culture ou s’immerger complètement dans la pensée portugaise du Fado, dans la cuisine traditionnelle et dans plein d’éléments qu’on ne penserait pas avoir un rapport direct avec le vin.

Pour finir, comment définiriez-vous le métier de sommelier ?

D'abord une base de connaissances. Pour la moi la connaissance est essentielle. On ne peut pas s’inventer, juste parce qu’on a un bon palais, une sensibilité, qu’on aime les métiers de contact. Je pense que toutes ces qualités là, doivent être doublés et soutenues par une base de connaissances solide, qui soit à la fois large et profonde, transversale, et qui puisse se lier à différents pôles comme on a mentionné : scientifique ou artistique, géologique, mais également au contact avec l’art culinaire. Donc la connaissance, pour moi, est la base du métier.

Une deuxième qualité du sommelier, c’est l’ouverture, la curiosité. Je pense qu’un sommelier ne peut pas l’être s'il n’a pas cette nature d’esprit à aller découvrir ce que font les voisins, ce qui se fait ailleurs sur d’autres méridiens, pour pouvoir mieux revenir à ses racines et les comprendre dans un contexte assez large, universel.

La troisième qualité je pense que c’est une qualité linguistique en quelque sorte, je pense qu’un sommelier doit être un bon parleur, pas dans le sens de charmeur. Tout simplement, il doit avoir une maîtrise au moins de la langue dans laquelle il professe dans ce monde, que ce soit le français ou à l’international, donc là peut-être aussi la connaissance de l’anglais. Au moins dans sa langue d’expression, Il doit avoir la capacité de transmettre ce qu’il tire de la connaissance scientifique d’une manière lisible pour son public, avec des notions qui soient à la fois joliment enrobées, mais qu’on puisse entendre correctement le sens scientifique qui est derrière, vraiment savoir parler du vin avec mots justes, pour rendre ainsi le vin plus facile à comprendre. C’est lié aussi à des qualités d’empathie également envers son public.

Publié dans vin, sommellerie, ICOP

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