Vin – Costières de Nîmes : Chantal Comte a tourné la page du Château de la Tuilerie
Chantal Comte ne semble nourrir aucun regret. Et pourtant, au cœur de l'été 2014, elle a pris une décision d'importance en cédant l'exploitation de 60 hectares de vigne et sa cave aux Grands Chais de France. Elle a mis ainsi un point presque final à près de 60 ans d'une histoire familiale imaginée au milieu des années 1950 par Guy Serres, son papa. « Il était armateur, installé au Maroc, et a choisi de coin du Gard pour son retour en France après l'indépendance du pays. Il pensait alors plus à la filière fruits qu'à celle viticole. Cependant, avec l'aide du responsable de la cave présent sur le domaine au moment du rachat, il a envisagé assez vite de procéder à la plantation de nouveaux cépages. »
Des préoccupations dontChantal, sa fille, était bien éloignée. « Ma formation était littéraire, mais en 1981, lorsque papa et mon mari, Pierre-Yves Comte, m'ont proposé de prendre en charge le vignoble, il m'a fallu rattraper le temps perdu. » Et notamment suivre une formation à l'Université du vin de Suze-la-Rousse une autre dans le cadre de l'Anfopar. Il lui fallut aussi savoir écouter des vignerons qui avaient de la bouteille et s'initier au marketing et à la communication sur les bancs d'HEC.
L'art de savoir exporter
Chantal Comte a très vite appris. Et, surtout, elle a su jouer d'un atout essentiel. « Au début des années 1980, il y avait très peu de femmes dans le vignoble. J'en ai donc bénéficié. J'intéressais les médias plus qu'un vieux viticulteur. » Mais toute médaille a son revers. « J'ai également souffert de cette situation, il me fallait prouver davantage ! »
Deux ans lui ont suffi à tout bousculer et à devenir le symbole des Costières de Nîmes, ce terroir qui s'étend au Sud de Nîmes, jusqu'aux portes de la petite Camargue. « Nous avons cessé de vendre notre production en vrac pour nous concentrer sur la bouteille, j'ai racheté la marque Château de la Tuilerie et surtout nous avons cherché à comprendre le terroir en même temps que de nouveaux marchés. » En 1983, alors qu'elle était gagnée par la passion du vin, sa société décrochait le titre meilleur exportateur du Languedoc-Roussillon pour le secteur agro-alimentaire.
Une ouverture sur le monde qui lui a permis de distribuer ses flacons jusque dans une cinquantaine de pays. « Ma plus grande fierté : être présente sur le marché équatorien après cinq ans de démarches administratives. Ainsi, j'ai fait parler des Costières de Nîmes en termes de grands vins et nous en avons administré la preuve dans les bouteilles. Mais la qualité est une chose et l'image une autre. Et cette appellation n'est jamais parvenue à franchir cette deuxième étape. Résultat, aujourd'hui le prix d'un hectare de vigne n'a quasiment pas évolué. Nos efforts n'ont pas été valorisés. »
2013, son dernier millésime
Beaucoup, parmi ses confrères, ont suivi son exemple et réussi à associer qualité des vins et démarches commerciales. En revanche, dans la famille Comte, les trois enfants n'ont pas souhaité marcher dans les pas de leur mère. « En même temps qu'une certaine usure, la raison économique m'a incitée à passer la main. 2013 a donc été mon dernier millésime, une production de 250.000 bouteilles qui seront les dernières à porter ma signature. Toutefois, on ne voulait pas céder les terres. C'est avec les Grands Chais de France que nous avons trouvé la bonne solution avec la mise en fermage du vignoble et de la cave. Ce sont de vrais professionnels qui ont su se montrer corrects en reprenant intégralement le personnel. »
Un grand de la vinification et du négoce qui est, lui aussi, spécialisé dans l'export. « Leur stratégie est moins élitiste mais leur potentiel de distribution est beaucoup plus large. On respecte donc leurs choix. »
Et comme Chantal Comte ne pouvait totalement se résoudre à une vie paisible, elle poursuit son action dans le domaine du rhum. « Depuis 1985 je recherche l'excellence parmi les neuf distilleries de Martinique et je réalise des assemblages afin de mettre sur le marché de très petites cuvées qui, en plus de la marque que constituent mes prénom et nom, ont toutes un nom et une histoire. C'est un marché de niche destiné à des connaisseurs et des collectionneurs, notamment en Suisse. »
Fin novembre dernier, au cœur des Costières, elle a donc ouvert 'L'Atelier du rhum'. Une boutique de vente ainsi qu'un lieu d'animations autour de la dégustation, la cuisine antillaise ou encore l'art du cocktail... Le début d'une nouvelle histoire.